Au Stade de France, j’avais l’air d’un con, mais d’un con Quevillais

Lyon-Quevilly en finale de la Coupe de France

Je ne suis pas certain de vraiment savoir comment ni pourquoi, mais il se trouve que samedi soir, j’étais au Stade de France pour supporter l’US Quevilly.

C’est l’aléa géographique qui me force, depuis trois tours de Coupe de France, à suivre des Quevillais que j’ai certainement dû, dans ma tendre enfance, croiser à la boulangerie ou dans les rues rouennaises.

Je ne suis pourtant pas du tout le foot, c’est même certainement le sport qui me passionne le moins, mais il fallait tout de même que j’en sois.

Je connais deux tubes quevillais sur quatre

Mon ami Mo m’a dégoté des places pas dégueu, juste assez proches du terrain pour me prendre, le cas échéant, des ballons dans la gueule. J’ai bien révisé mes chants de supporters, enfin du moins je le pense. En fait, je connais deux tubes quevillais sur quatre :

  • « QUEVILLY taptaptap QUEVILLY taptaptap »
  • « QUEVILLY QUEVILLY QUEVILLY, QUEVILLY QUEVILLY QUEVILLY »

Il me manque les deux hymnes créés spécialement pour la rencontre du soir :

  • « Stade de Franceuh, au Stade de Franceuh, le Lyon est mort ce soir (o wim bowé) »
  • « Qui ne saute pas n’est pas Qvillais, yais / Qui ne saute pas n’est pas Qvillais, yais »

Le dernier m’amuse beaucoup, puisqu’il fait écho au « Qui ne saute pas n’est pas Lyonnais, ais » de nos ennemis du jour. Seulement voilà, « que-vill-ais » c’est trois syllabes, tandis que « lyon-nais » c’est deux.

Pour que la scansion soit parfaitement rythmée, les supporteurs ont recours à une sorte de synérèse, à la manière des poètes du XVIIe siècle. Ainsi, « que-vill-ais » donne « qvillais ». Costaud, me fais-je la réflexion.

Tout est jaune, comme dans un film de Jeunet

L’ambiance est bon enfant sur l’impressionnant parking des 180 bus quevillais. On se croirait dans un film de Jean-Pierre Jeunet : tout est jaune.

Le convoi avance en chantant, et moi je demande la direction du Stade de France aux visiteurs, ça les fait rire. Tandis qu’on approche de l’arène, les chansonniers se lancent avec talent dans des improvisations :

  • « Stade de Franceuh, au Stade de Franceuh, on est au Stade de France (o wim bowé) »
  • « Stade de France Stade de France Stade de France, Stade de France Stade de France Stade de Franceuuuuh »

Un supporteur de Quevilly hue les joueurs lyonnais à l’échauffement (DZIBZ)

La foule exulte, et je sens inexplicablement la pression monter. Pourtant, je le dis et le répète, le football m’ennuie.

Nous entrons dans l’arène, et plein de jolies filles nous distribuent des merdes. J’en ai plein les bras lorsque j’arrive sur mon siège.

Les équipes s’entraînent. Devant nous, le but des Lyonnais, qui s’exercent à la frappe.

Lorsqu’ils ratent, on les applaudit et lorsqu’ils marquent, le public lyonnais fait plein de bruit.

Ils s’exercent ensuite aux passes, et là c’est un peu plus chiant. Seul un type motivé continue à huer.

J’ai l’air d’un con, mais d’un con quevillais

Les équipes rentrent aux vestiaires, et quelqu’un profite pour me maquiller comme un quevillais-t’inquiètes-pas-je-sais-faire.

En effet, tu sais vachement faire, j’ai donc l’air d’un con lorsque les équipes rentrent sur la pelouse, mais d’un con quevillais. Pendant la Marseillaise, je me lève et chante, parce que le speaker l’a demandé. Coup d’envoi.

Et là, l’entrée en scène du gamin le plus insupportable de tous les temps, dans la rangée derrière moi.

Partisan lyonnais (mais ça je n’en ai rien à foutre), le môme est surtout bruyant, vulgaire et vraiment idiot. A chaque faute, à chaque action manquée, à chaque touche, il crie :

« Oh mais il est bourré ! »

Une fois, cest pas drôle, deux fois c’est relou, quinze fois, moi si je suis joueur, je le vise.

A la télé, je ne comprends pas grand-chose au football, par pur esprit de contradiction face à mon coloc qui est un fan absolu. Au stade, je ne comprends vraiment rien. On n’a pas les ralentis, ni les commentaires éclairés des guignols de TF1.

Je suis livré à moi-même, mais ne perds pas la face, et réclame des hors jeu à chaque action lyonnaise, c’est à dire tout le temps.

Devant moi, un champion qui crie au penalty toutes les trois actions, avec une conviction qui me laisse à penser qu’il y croit vraiment. Je m’amuse à l’imaginer arbitre.

Mi-temps : Quevilly gagne le match des petits

But ? Y a but ? Non parce qu’on voit pas bien. Y a but ? On est les jaunes, nous ? Y a but pour Lyon ? Oh merde. Le speaker confirme, y a but. Et le gamin de derrière exulte : y a but.

Et c’est vite la mi-temps. Des gens divers envahissent la pelouse, d’abord pour faire une chorégraphie chelou en partenariat avec une banque, et puis ensuite pour le tournoi des gamins, ça c’est plus drôle.

C’est les petits de Quevilly face aux petits de Lyon. Ils ont chacun un ballon et font des un-contre-un avec le gardien adverse. Quevilly l’emporte, les gamins se jettent partout et la foule est en délire. « On aura au moins gagné un truc ce soir », me lance mon voisin fataliste, « Ils étaient bourrés », répond le gamin de derrière, toujours en vie.

Le match reprend et Quevilly a le ballon, des fois, maintenant. Tant et si bien que sur quelques actions, je me surprends à me lever et à brailler. Comme quand on touche la barre, putain de merde. Elle y rentre c’est la même, commenté-je. « Oui, mais il est bourré », répond-il. Je me retiens, je me retiens. Et pas seulement parce que son père a des tatouages partout.

Une ola ça va ; sept, c’est chiant

Une ola est lancée. Lorsqu’elle passe par ma tribune, je me lève en hurlant. Une fois c’est drôle, à sept tours ça devient vraiment chiant. Plus personne ne regarde le match, on a peur de se faire siffler en arrêtant la ola. Alors on espère qu’il y ait un but ou une grosse faute pour pouvoir stopper en loucedé.

Les supporteurs aguerris sont assez habitués au timing de la ola, ils peuvent jeter un œil au match, ce sont eux qui feront les huées nécessaires au détournement de l’attention des ayatollahs de la ola. « Il est bourré ! », je suis sauvé.

Je me sens au Stade de France comme à la messe, me fais-je la réflexion : j’ai froid et je connais pas les chansons. Je me lève juste quand tout le monde se lève. Et puis non, en fait. A la messe je m’ennuie, là je kiffe, finalement. Je vibre, je frissonne, je ris, j’ai les larmes aux yeux. Le football prend une autre dimension.

Hé les Quevillais, vous m’avez fait rêver

Coup de sifflet final, on a perdu, je suis assez triste. Dans le RER du retour, les gens disent que ça n’était pas un beau match, je ne l’ai pas remarqué. Ils me présentent leurs condoléances. Je ne sais pas si c’est pour me moquer de mon maquillage ou bien rapport à mon équipe de cœur. Je garde le sourire.

Hé les Quevillais, vous m’avez fait rêver. Si je vous croise à la boulangerie, je vous demanderai certainement des autographes, maintenant

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