Japon – Mali à Liège et « Vahid m’a tuer »

Les joies de la trêve internationale de Mars et ses matchs de plus en plus originaux. Pour les 32 équipes qualifiées à la Coupe du Monde 2018 c’est aussi la dernière étape avant le couperet des listes de 23 du mois de Mai. Pour l’équipe nationale du Japon et Vahid Halilhodzic il s’agissait de retrouver un peu de confiance après plusieurs rassemblements piteux et de faire un dernier tour d’horizon des forces à sa disposition.

Deux matchs de préparation organisés par la fédération japonaise du côté de la Belgique et de Liège face au Mali et l’Ukraine devaient permettre cela. Des adversaires qui n’étaient pas choisis au hasard. Des pays frontaliers au Sénégal et à la Pologne que le Samurai Blue affrontera en Juin dans le groupe H, aux styles de jeu supposés proches mais avec moins de qualités intrinsèques. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’avec ce qu’on a vu cette semaine, on a peur du ridicule pour cet été.

Récit de notre périple au pays des Rouches et des grands maux de ce Japon « vahidien ».

Un voyage inattendu

En retrouvant l’ami Donass sur Paris je ne m’attendais pas vraiment à filer du côté de la Belgique. C’était plus l’équipe de France à Saint Denis qui était annoncée au programme. Mais c’était sans compter que le Mr est plein de surprises.

Du coup pour mon retour en Europe, c’est bien l’équipe nationale du Japon que l’on va voir en ce vendredi après un réveil compliqué à 6h du matin. Celui-ci s’expliquant par de légers (hum) excès et un concert la veille au soir. Mais comme on ne recule devant rien pour vous, chers lecteurs, c’est plein de peps que la route se fait sans trop d’encombres. On évitera juste de mentionner les nids de poules sur les routes belges qui s’apparentent plus à des poulaillers d’élevage intensif.

On retrouve du monde dans le sympathique centre-ville liégeois sur les coups de 11h pour boire un coup et manger la croûte. Le match étant prévu à 13h20 pour la télé japonaise et ses huit heures de décalage horaire, on décale assez vite vers le stade Maurice Dufrasne plus connu sous le nom de Sclessin !

La circulation plus que fluide aux alentours du stade et le fait qu’il n’y ait personne aux guichets nous donne dans l’idée que l’on va avoir de la place en tribunes. Et ça n’a pas raté.

C’est devant un petit millier de spectateurs environ que les deux équipes s’affrontent. Seul le bas de trois tribunes sont ouvertes au public pour l’occasion. Les bâches des Ultras Nippon sont bien présentes comme toujours mais il n’y a que ça à se mettre sous la dent car il a fallu faire sans capo, tambour ou mégaphone. Du coup on avait uun peu l’impression d’être à un match amateur, à la différence qu’il se jouait dans un stade de plus de 30 000 places.

Japon

Un match qui ne restera pas là où vous savez

On va parler un peu du match, mais rapidement. Car la pauvreté abyssale des deux équipes n’incite pas à de grandes envolées. Pour cela on retiendra plus celles des très nombreux oiseaux présents et que l’on a bien suivis pour le coup (une heatmap de qualité vu leur occupation du terrain).

La composition de Vahid était à la fois intéressante sur certains points et incompréhensibles sur d’autres. Intéressant de voir Kosuke Nakamura et Ryota Oshima dans le XI de départ. Plus déroutant en revanche d’envoyer Takashi Usami sur l’aile gauche alors qu’il est très performant à droite cette saison et surtout de mettre Tomoya Ugajin en latéral droit.

Déjà peu habitué au niveau international, le latéral d’Urawa est surtout un absolu spécialiste du poste de latéral gauche et un gaucher exclusif. Quelles ne furent pas ses difficultés face au jeune Moussa Djenepo lors de la première mi-temps… Le jeune joueur du Standard a fait danser son opposant allant jusqu’à provoquer un penalty en fin de première mi-temps qu’Abdoulaye Diaby a marqué sans trembler.

Un Japon assez inexistant dans le jeu, un but de retard, pas mal d’anti-jeu côté malien et l’habituelle blessure musculaire d’Oshima sont donc le triste bilan de ces 45 premières minutes. Bref on se régale comme d’habitude avec ce Japon là.

Merci d’être passé Ryota…

Je vous l’annonce de suite : la seconde période ne fut pas meilleure. La valse habituelle des remplacements lors de ce type de matchs n’aidant jamais. On retiendra néanmoins les entrées de Keisuke Honda, intéressant pour son retour en sélection, et de Shoya Nakajima.

Le petit ailier de Portimonense, et qui s’amuse beaucoup dans la Liga NOS portugaise, a beaucoup tenté tout en étant assez brouillon parfois. Mais sa bonne volonté fut finalement récompensée car c’est bien lui qui a égalisé à l’ultime minute du temps additionnel à la suite d’un mauvais dégagement de la défense des Aigles du Mali.

Score final de 1-1, pas illogique tant les deux équipes furent d’un niveau assez similaire et franchement faible… L’après match se poursuit comme l’avant match : autour de bières belges, à refaire le match cette fois.

Y a t-il seulement de l’espoir pour ce Japon là ?

Quelques jours après ce premier rendez-vous c’est face à l’Ukraine que le Japon de Vahid joua son second match à Sclessin. Après le match nul, ce fut la défaite. 2-1 au terme d’un match où les hommes d’Andriy Shevchenko ont pu démontrer assez nettement leur supériorité. Tomoaki Makino avait égalisé sur un coup de pied arrêté bien tiré par Gaku Shibasaki juste avant la mi-temps mais une nouvelle approximation défensive offrit logiquement la victoire aux ukrainiens. Le tout contre une équipe qui a terminée 3e de son groupe d’éliminatoires et qui regardera le Mondial à la télé.

Le bilan de ce dernier rassemblement pré-Coupe du Monde est donc très décevant, comme ceux qui l’ont précédé. Car il est là le principal problème du Samurai Blue. Les mois passent et là où certaines équipes progressent logiquement, le Japon n’avance pas d’un pouce. Certes il y avait quelques absents pour ces deux matchs mais ce n’est pas Maya Yoshida ou Hiroki Sakai qui changent le style de jeu de l’équipe. Et Shinji Kagawa ou Hiroshi Kiyotake ne feront pas de miracles divins s’ils peuvent revenir pour cet été.

On s’ennuie toujours aussi profondément devant cette équipe et les résultats vont en se dégradant matchs après matchs. Le match de la qualification gagné 2-0 face à l’Australie semble à une éternité…

Lors de ces éliminatoires l’heure était avant toute chose à la qualification. La défaite inaugurale face aux Emirats Arabes Unis avait mis d’office une sacrée obligation de résultat sur le reste des matchs. Elle fut remplie souvent à l’arrache avec pour base un jeu où l’efficacité fut la seule chose à retenir dans des systèmes à trois milieux très défensifs. Sauf que, grande surprise, cela n’a pas aidé à mettre en place un plan de jeu collectif. C’était moche mais l’accident majeur était évité.

Neuf mois étaient donc donnés depuis Septembre pour mettre en place une idée de jeu collectif, dégager des forces et rectifier certaines faiblesses. Les deux tiers du temps imparti sont écoulés et force est de constater que les lacunes sont toujours immenses dans presque tous les domaines.

Un management déconnecté des joueurs et de leurs qualités

Les joueurs passent au fil des mois. Un effectif pas loin d’être au complet face à la Nouvelle Zélande et Haiti a été à deux doigts de faire deux matchs nuls à domicile (2-1 à la dernière seconde puis 3-3 face à Haiti tout de même…). Une sélection faite de joueurs de J.League pour la Coupe d’Asie de l’Est a terminé le tournoi par une volée historique (1-4) face au grand rival sud-coréen. Et donc les deux matchs de Liège avec une sorte de mix.

Mais ne pensons pas vraiment résultats après tout, les matchs de préparation n’ont pas cet objectif. Ils doivent servir à la mise en place, à prendre des repères collectifs.

Et le constat est là : jamais le Japon de Vahid n’a su faire le jeu dans un seul de ces matchs disputés pourtant face à des équipes de niveau équivalent ou plus faible. Une hérésie quand on se rappelle les qualités « historiques » du Japon, des joueurs et de sa priorité de formation depuis plusieurs décennies. En revenant à un référentiel plus récent, on peut même dire que les bases techniques de l’ère Zaccheroni ont été totalement jetées aux oubliettes. Où sont passées ce sens du collectif et cette maîtrise technique qui faisaient que le Japon avait une spécificité attrayante et des résultats honorables ?

Tout cela Vahid s’en moque éperdument. Jamais depuis qu’il est à la tête de la sélection il n’a prononcé ces mots lors d’interviews ou de conférences de presse. Toujours la rigueur tactique, l’efficacité et le combat en première ligne sous couvert de « football moderne« . Le Japon de Vahid est un assemblage bancal de joueurs à qui il demande d’être plus besogneux qu’autre chose et constitué parfois de sorte qu’on se demande même s’il connait vraiment les joueurs qu’il a devant lui (le cas Ugajin en est le dernier exemple).

La force de Vahid a toujours été de savoir faire passer son message à ces joueurs. Avec des joueurs francophones c’est une force non négligeable. Le voir parler aux joueurs japonais qu’il fait entrer en jeu en leur parlant presque face contre face en est comique quand on sait que le joueur ne comprends forcement pas un mot de ce qu’il leur dit. Le traducteur japonais ne pouvant pas vraiment faire le boulot pour plus que les simples mots…

Vous l’avez sans doute compris, ou vous le savez déjà si vous suivez le Japon depuis deux ans, le staff technique est aujourd’hui le responsable quasi-exclusif de la pauvreté de la sélection actuelle. Les qualités collectives à la base des succès de l’équipe ne pouvant pas réapparaître en deux semaines début Juin, le Japon n’aura donc comme autre choix que d’arriver en Russie avec un état d’esprit déterminé. Ce qui ne colle absolument pas avec les points forts des joueurs, des leaders de l’effectif et même de la mentalité japonaise dans son ensemble.

De là à dire que le Japon va au crash cet été à la Coupe du Monde, il n’y a qu’un pas que je franchis avec aise. En gardant, malgré tout, l’espoir fou de me voir contredit par les faits. Bon courage au successeur sur le banc de touche d’avance.

NB : Coach Vahid a depuis été viré. Pour plus d’informations au sujet de cette éviction juste avant la Coupe du Monde, c’est par ici.

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