FSV Mayence 05-SC Freiburg, match capital dans la lutte pour le maintien. Après Francfort et Dortmund en février, j’attaque mon troisième Montagsspiel (« match du lundi » en allemand, ndlr) de la saison. Je suis sur un beau ratio de 3 Montagsspiele sur 5 possibles depuis le lancement du « produit Montagsspiel ». Le rythme est bon.
Pourquoi découvrir la Bundesliga en allant voir les matchs les plus décriés de ces dernières décennies outre-Rhin ? Folklore, Histoire, tentation ou simple curiosité, il y a un peu de tout dans cette décision.
Cependant, vous allez voir que ce Montagsspiel est loin d’être un banal match de Bundesliga où protestations, sifflets et rouleaux de papier toilette sont à l’honneur. Sur et en dehors du terrain, ce match de bas de classement de Bundesliga a laissé des traces et elles ne sont pas toujours très belles.
3000 spectateurs pour un « match de sixte »
Commençons ce récit par évoquer le contexte. Il est très simple : Montagsspiel = protestations = boycott = opérations coup de poing = stades très, très différents de ce qu’on a l’habitude de voir les week-ends en Allemagne. Cette mesure prise dans le but d’alléger le calendrier des clubs allemands engagés en Coupe d’Europe est sujet à de vives contestations. Ce sont les Mainzer et les Freiburger qui en ont pâti cette semaine, eux qui, on le sait tous, ont disputé les quarts de finale d’Europa League jeudi dernier. Ceci est bien sûr une fake news comme dirait l’autre.
#Zerofivers fans 🆚 @scfreiburg fans ⚔#M05SCF #UpTheMainz pic.twitter.com/tJuL0KHTBj
— Mainz 05 English (@Mainz05en) 14 avril 2018
A cette occasion, les supporters des deux camps ont organisé le week-end dernier un match amical au vieux Bruchweg Stadion de Mainz (vous pouvez retrouver des infos sur le stade ici). La particularité de ce match ? 15h30 le samedi et une ambiance de Bundesliga portée par les ultras du Mainz 05 et du SC Freiburg. « Samstag halb Vier – Fußball, Bratwurst, Bier » (comprenez samedi 15h30 – du foot, des saucisses, de la bière). C’est le credo de tous les supporters teutons face aux Montagsspiel. 3000 spectateurs sont venus assister à la rencontre. Cet événement est un avant-goût du match de lundi où une grève d’encouragements et des opérations coup de poing sont prévues.
Pour les germanophones, jetez un oeil à cet article sur ce match bien particulier.
Lundi 16 avril 2018. Il est 19h07 lorsque la navette me dépose à quelques centaines de mètres de l’Opel Arena. A 1h30 du coup d’envoi, les Mainzer affluent déjà en masse aux abords du stade. Je ne vais pas m’éterniser sur le stade. 34000 places, construction terminée en 2012, situé en pleine campagne. Il y a déjà du monde. L’ambiance est bonne entre les fans des deux camps. Tout pour passer une belle soirée.
« I hate Mondays », Saison 1, épisode 5
Comme prévu, les ultras des deux clubs font grève. Chants hostiles aux Montagsspiele, sifflets, vuvuzelas, banderoles noires. La tribune famille sort également les grandes lettres G-E-G-E-N M-O-N-T-A-G-S-S-P-I-E-L-E en guise de protestation. Tout est là. Des pancartes GEGEN MONTAGSSPIELE avec texte explicatif sont distribuées. Portées par tout le stade, le rendu est vraiment bien. Seul le « You’ll never walk alone » résiste à cette vague de protestations. C’est tout l’Opel Arena qui le reprend, peu importe le contexte. Cette prière du football est universelle et tellement puissante. Rien ne l’arrête.
Rapide coup d’œil au classement pour vous montrer que cette rencontre n’est pas un match de pitres : Mainz, 16è avec 27 points, a l’occasion de prendre (quasi) définitivement ses distances avec Hambourg et le Köln FC de Vincent Koziello et se rapprocher de son adversaire du jour. Avec une victoire, les hommes de Sandro Schwartz enterreraient ce que j’ai appelé les « deux mastodontes de la zone de relégation ».
20h30, le match démarre. Contrairement à Francfort, le début de match n’est pas trop retardé. A noter les titularisations côté Mainz de Jean-Philippe Gbamin, ancien du RC Lens et de Abdou Diallo, ex-AS Monaco. La Ligue 1 s’exporte bien outre-rhin. Pour ne pas vous mentir, cette première mi-temps fut désastreuse. Je n’avais pas vu autant de déchets techniques en 45 minutes depuis très, très longtemps. Même les U23 posaient plus le ballon il y a 15 jours contre Steinbach.
Ce premier acte était symbolique d’un match couperet pour le maintien. Les longs ballons et les dégagements en urgence (alors qu’il n’y en avait pas) ont pollué la première période. Freiburg, pourtant équipe plaisante à voir jouer, s’est également « pris au jeu ». On assiste à un match terne où les ailiers avaient la vitesse de pointe d’une pelleteuse. Les attaquants se cachaient. Le ballon était une patate chaude pour les défenses. Bref, un jeu apathique, triste. Aucune occasion de part et d’autre jusqu’à ce fameux, que dis-je, cet inoubliable fait de jeu qui va marquer le football allemand. Ce ne fait aucun doute…
Et la VAR frappa ce Montagsspiel…
Pour rappel : Mayence réclame un penalty. Refusé. Ça continue. Mi temps. Joueurs aux vestiaires. L’arbitre regarde quand même la vidéo, on ne sait jamais. Penalty. Les joueurs sortent du vestiaire pour tirer le penalty. But. Re-MT. Re-vestiaires.
— TLMS’enFoot (@TLMSenFoot) 16 avril 2018
On joue la 45è minute de première mi-temps lorsque les Nullfünfter demandent un pénalty pour une main dans la surface de Freiburg. Sur un tir de Brosinski, le ballon heurte le bras d’un joueur de Freiburg. Malgré les protestations des locaux, l’arbitre ne bronche pas et laisse jouer quelques secondes avant de renvoyer tout le monde aux vestiaires. Soit. C’est là que le « drame » intervint. Alors que les 22 acteurs rentrent aux vestiaires (la moitié déjà dans le tunnel), L’arbitre en appelle alors… à la vidéo. Oui, à la vidéo. Après réflexion, il décide d’accorder un pénalty. 7 minutes s’écoulent. SEPT. Grosse incompréhension générale de la part des joueurs et de tout le stade. Je ne vous cache pas que je n’ai rien compris à la situation et que je suis resté complètement pantois devant la scène. Mes trois voisins sexagénaires (on les appellera Roger, René et Helmut) hurlent haut et fort qu’ils n’ont jamais vu ça. Les joueurs reviennent alors sur le terrain. De Blasis pose le ballon et marque. 1-0 pour Mainz et tout le monde retourne aux vestiaires. « Un but marqué pendant la mi-temps » déclareront des journalistes pour Eurosport.
Scène surréaliste et je pèse mes mots. Je n’ai jamais vu ça de ma vie. A l’heure où le débat sur la vidéo fait rage, le match de ce soir montre que la VAR a de grosses lacunes. Elle est censée être une aide pour le corps arbitral. Aujourd’hui, c’est l’incompréhension qui a pris le dessus.
Je garde l’image de toute la tribune Lotto-Rheinland Pfalz choquée et interloquée. Cette décision est, selon moi, un tournant car elle démontre toutes les limites de l’outil : joueurs déjà aux vestiaires qui doivent revenir sur le terrain, fiabilité fortement remise en cause, timing de la prise de décision, cassure dans « l’expérience stade » pour tous les supporters. Ce dernier point n’est pas à négliger car tous les fans étaient perdus et se sont demandés ce qui se passait. L’erreur est humaine et c’est ce qui fait le charme du football. Aujourd’hui, l’application stricte d’une règle a bafoué cette magie footballistique.
Le match tarde à reprendre pour le deuxième acte. Le Q Block de Mainz, l’un des groupes ultras les plus importants du Mainz 05, continue ses protestations. Après les sifflets et les vuvuzelas, voici venir les PQ. Cela n’est pas sans rappeler le lancer de balles de tennis à Francfort lors de Eintracht-RB Leipzig en février dernier.
Die Reinigungskräfte haben nach der Pause alle Hände voll zu tun #m05scf #mainz05 pic.twitter.com/i03Vfd5k1j
— Michael Ebert (@michael60318) 16 avril 2018
En seconde mi-temps, les locaux ont montré plus de rythme, d’envie et de jeu. Ils ont été récompensés par le deuxième but de Pablo de Blasis. Un but de justesse puisque le montant a été trouvé alors que le but était vide. Le Bitte des supporters répond au Danke du speaker. Nous sommes bien en Allemagne. Merci à Jean-Luc Filser d’avoir rapporté cette tradition à la Meinau.
A noter également la reprise « kolossal » de Petersen sur le poteau de René Adler en fin de partie qui aurait pu relancer les débats à quelques minutes du terme. Score final 2 :0 pour ce qui restera, un match historique et pas pour ce qui s’est passé sur le terrain malheureusement…
Cette rencontre devait être une scène de protestation contre les Montagsspiele de la DFB. Au lieu de cela, l’ambiance est restée relativement agréable malgré les sifflets, les vuvuzelas, la grève des ultras. A l’inverse de Dortmund ou encore Francfort, j’ai senti un public qui se voulait être un douzième homme. Les spectateurs de l’Opel Arena (pas tous, on met les ultras du Q Block à part) étaient concernés par l’enjeu : le maintien de leur équipe en Bundesliga. Mainz dépasse son adversaire du jour et sort de la zone rouge à la différence de but.
Si ce Mainz-Freiburg a été marqué par les protestations contre le Montagsspiel, on retiendra surtout ce fait de jeu lié à la vidéo. Cette fameuse VAR a TOUT changé : le cours du jeu, l’atmosphère du match, l’expérience spectateurs mais aussi l’Histoire du football allemand (rien que ça). Si le débat autour de la vidéo a déjà fait couler beaucoup d’encre (notamment en France), le match de ce soir n’a fait que renforcer les doutes et intensifier les débats partout en Europe.
Malgré un contexte et des faits de jeu que je ne pourrai oublier, j’ai passé, somme toute, un très bon moment à l’Opel Arena. Ce match a tenu toutes ses promesses malgré lui : une belle ambiance, des faits de jeu sur et en dehors du terrain. Bref, un bon souvenir. Les supporters de Mainz sont vraiment chaleureux. Passionnés de ballon rond et de belles ambiances, un détour par Mainz s’impose à l’avenir. Vidéo ou non.
Pour aller plus loin, cette histoire de VAR fait réagir Kicker (DE), Eurosport (DE) et RMC (FR).
[…] On était à Mainz 05 – SC Freiburg entre Montagsspiel, VAR et … […]
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