Huddersfield, une vieille Histoire
Huddersfield Town, c’est la belle histoire de cette nouvelle saison de Premier League. Ce club fondé en 1908 se retrouve pour la première fois de son histoire en Premier League (fondée en 1992) après avoir terminé 5ème de saison régulière avec un étonnant goal-average négatif (les 10 autres premiers en avaient un positif). Puis en assurant sa promotion aux TAB contre Reading à Wembley. Ce qui en fait le 6ème club actuel de PL du Nord-Ouest à n’être séparé que par moins de 100 kilomètres (Liverpool, Manchester, Burnley, Huddersfield) !
Huddersfield a néanmoins une vieille expérience du plus haut niveau anglais dont la dernière saison date de 1971/1972. Ils ont aussi 3 titres de Champion (1924, 1925, 1926). 3 autres clubs ont répété l’exploit d’enchainer 3 titres consécutifs : Liverpool, Manchester United et Arsenal. Huddersfield est sinon plus globalement une ville de rugby (Huddersfield Giants) puisque ce sport y a été officiellement créé dans cette ville en 1895. Le stade de John Smith’s Stadium y est d’ailleurs partagé entre les deux sports.
Un club dirigé par Amour
La nouvelle ère de ce club de foot débute certainement par l’acquisition du club en 2009 par Dean Hoyle. Huddersfield sort alors de sa pire affluence depuis 1994 avec 9 391 supporters de moyenne (ils étaient toujours moins de 15 000 jusqu’à l’an dernier). Cela pourrait ressembler au début d’une histoire d’un milliardaire américain qui viendrait de se trouver un nouvel hobby. Pas du tout. Dean Hoyle est née à quelques kilomètres d’ici et est un fan de toujours d’Huddersfield Town. Il est aussi le fondateur et ancien Président de Card Factory (+ de 800 boutiques de cartes de vœux, etc au Royaume-Uni). A cette époque, le club occupe alors régulièrement le milieu de tableau de League One.
En 2010, Dean Hoyle remercie de nouveau les fans de le suivre dans cette aventure avec lui dans un long courrier dont voici un extrait :
J’ai challengé nos fans : ‘Vous achetez les billets. Nous achèterons des joueurs.’
J’ai alors dit : ‘Vous nous donnerez votre soutien. Je vous donnerai en retour de quoi vous enthousiasmer.’
Je veux maintenant vous remercier de votre engagement en faisant ma propre promesse personnelle :
Si un jour nous sommes promus en Premier League, chaque abonné verra sa fidélité récompensée et pourra s’abonner pour 100£.’
En 2012/2013, Huddersfield Town retrouvait la Championship. En 2015, il recrute l’allemand David Wagner pour sa première expérience en tant que coach. Il est aussi un ami de Klopp avec qui ils ont passé 4 saisons ensemble en tant que joueurs à Mayence. En 2017, le club montait en Premier League et le Président respectait sa promesse. Ce qui impliquait alors de baisser les prix des abonnements de 179£ minimum en Championship à 100£ maximum en Premier League pour les anciens abonnés (et 200£ pour les nouveaux). C’est le moins cher avec West Ham (289£ min. mais 80 000 sièges à vendre) et Stoke City (294£ min.) (source). Un geste incroyable dans un championnat aussi dicté par l’argent. Quel Président ! Ils vivent le rêve de tout supporteur (je supporte Nantes, aidez-moi svp).
20 192 abonnés pour 24 500 places
Faisant logique suite de la montée en PL et des tarifs d’abonnements à 5£ le match ou au pire 10 pour les nouveaux, le club obtient cette saison son record d’abonnés : 20 192 abonnements pour un stade qui ne compte que 24 500 places disponibles dont quelques milliers réservés aux supporters visiteurs. Il ne restait donc qu’un peu plus d’un millier de places à vendre pour Huddersfield – Newcastle, le premier match à domicile de la saison. Ces places sont vendues aux tarifs moins avantageux de 30£ pour toute personne avec un historique d’achat. Et en sachant que les abonnés peuvent aussi mettre en revente leur place sans s’octroyer des bénéfices à la revente : L’intérêt est donc logiquement nul.
Un fan d’Huddersfield m’a alors très généreusement aidé à me procurer des places via son compte sur la billetterie du club. Étrangement, la vente des places uniques se faisaient très lentement, comme si les fans d’Huddersfield (162 000 habitants) étaient finalement déjà tous abonnés. Une donnée peut-être à relativiser avec le fait que le district de Kirklees (423 000 habitants) dont fait partie Huddersfield est l’un des plus pauvres d’Angleterre : 1 enfant sur 5 (20 000 enfants) était dans la pauvreté en 2015 : 33% dans les villes au taux le plus élevé, 7% au plus bas. Ce qui justifie aussi les bonnes actions du Président qui cette saison aurait à priori déjà le 13-15ème budget de Premier League.
J’ai en tout cas pu me rendre à cet événement exceptionnel dans l’Histoire du Club.
Un stade à l’esthétique et au caractère unique
J’arrive à la gare à quelques heures du match, la météo est parfaite. Les forces policières en ville sont déjà très présentes, je n’ai pas l’habitude d’en voir autant ici. Peut-être est-ce pour prévenir des éventuels risques de l’inconnu d’un premier match de Premier League avec un rare record d’affluence. Les fans de Newcastle sont en plus toujours actifs. En visitant rapidement le centre-ville, qui est très sympathique, j’ai beaucoup aimé l’atmosphère qui s’en dégageait le jour d’un match. Beaucoup de maillots dès la sortie en gare, des terrasses de pubs remplies par les fans d’Huddersfield et d’autres par ceux de Newcastle. Dans mes différents déplacements, je ne tombe pas toujours aussi facilement sur ces rassemblements. La taille de la ville aide forcément à ce rendu.
Le stade est à une quinzaine de minutes à pied. Et c’est déjà presque une aventure qui nous fait rapidement quitter la ville pour se retrouver sur un fond vert naturel. Les arbres nous entourent, une rivière passe à côté du stade. Mais aussi une zone assez commerciale avec notamment un cinéma et à priori suffisamment de restaurants/pubs pour accompagner un événement sportif. C’est en quelque sorte un complexe parfait entre la beauté du paysage et l’utilité des commerces/loisirs autour.
Le stade, ouvert en 1994, n’a rien à envier à l’environnement qui l’entoure. Nous ne retiendrons pas particulièrement les matériaux ni les couleurs (aperçu général des sièges) qui pourraient certainement être meilleurs. C’est surtout l’architecture futuriste, proche du « vaisseau spatial », qui nous épate. Les toits du stade adoptent une forme concave assez rare et qui doit avoir pour seul défaut de ne pas tous nous protéger de la pluie. En revanche, au delà de l’esthétisme des formes, cela augmente la lumière naturelle sur le stade et chaque siège permet d’avoir une excellente vue sur le terrain. De mon point de vue, même le naming du stade me parait cohérent : John Smith est le nom d’une marque de bière du Yorkshire appartenant à Heineken. C’est quand même mieux qu’une assurance pour du foot.
Sans que cela soit gênant, on peut reconnaitre l’existence du stade tout d’abord pour l’équipe de rugby. Le logo y est directement affiché sur la façade tandis que celui des Terriers y est surtout ajouté autour du stade par des moyens non définitifs. La façade affiche également un beau « CHEERS TO HUDDERSFIELD ». C’est dommage qu’il ne soit pas visible intégralement avec un grand recul, la faute aux branches des arbres qui empiètent sur un pont de la rivière.
Les portes du stade ouvrent, les bonnes surprises continuent. On ne passe par aucune coursive intérieure, ça change. Quelques mètres et nous voilà déjà dans son antre à ciel totalement ouvert. Le terrain est à quelques mètres. On peut sentir la pelouse et y voir sa perfection. La vue est superbe, la météo aussi. Un grand écran fait face à nous, et c’est un détail qui m’a beaucoup amusé : Pendant le match, chaque coup de pied arrêtés (6 mètres, coup-franc, corner) est annoncé par cet écran d’un énorme mot déroulant : « CORNER KICK », « FREE KICK ». Cela rappelle les premiers jeux de foot Nintendo ou ISS. C’est une très bonne idée qui appuie encore un peu plus l’atmosphère unique de ce stade. Même les panneaux publicitaires auraient quelque chose de nostalgique et inhabituelle pour ce championnat mondialisé : On se croirait encore dans un club amateur tant le stade multiplie les sponsors inconnus différents. A croire que toutes les entreprises de la ville ont leur nom affiché ici.
La meilleure ambiance d’Angleterre ?
La réputation des supporters d’Huddersfield monte très fortement depuis quelques années, et ils n’ont pas tardé à faire une grosse impression en Premier League. L’an dernier, j’avais déjà entendu dire que c’était l’une des meilleures de Championship. D’où mon insistance pour faire ce stade ce dimanche alors qu’un Tottenham – Chelsea m’était également accessible. Comme cela a été sous-entendu avant ça, l’histoire entre l’équipe de foot et ses habitants reste relativement jeune. L’atmosphère dans ce stade a donc souvent été mauvaise, avec un stade à moitié vide. Du coup la notation sur les sites de groundhopping n’est plus forcément significative. En 2014, des supporters ont créé le groupe « NORTH STAND LOYAL » afin de remettre l’ambiance dans ce stade. Et depuis, c’est une réussite croissante. Ils sont désormais aussi appelés Cowshed Loyal du fait d’un changement de tribune. C’est un défi car ils se confrontent désormais à un nombre de fans Away plus nombreux dans la même tribune. Mais ça fait en tout cas un sacré potentiel sonore pour la tribune Sud.
Pour ce premier match historique en Premier League, un tifo était organisé pour rendre hommage notamment à d’anciennes légendes du club des années 20. Pour ce qui est du bruit, en étant face au Kop je les ai malgré tout toujours entendu (extrait depuis le Kop) et vu parfois accompagner les chants d’une gestuelle. Et on ne peut pas dire que les fans de Newcastle, séparés d’un seul mètre du Kop hôte, soient les plus silencieux. Mais ils ont été totalement battu par la minorité d’Huddersfield. Les Cowshed Loyal utilisent également du matos pendant le match comme un mégaphone, des drapeaux, un tambour. On ne voit jamais ça en Angleterre (peut-être Crystal Palace puisqu’ils ont des ultras).
Toutes les tribunes pouvaient suivre certains chants pour un volume sonore pouvant devenir assourdissant. L’atmosphère de ce stade m’a alors procuré le même sentiment unique que celui de Sheffield United. Tant de passions quelque soit les tribunes, une envie immédiate de ma part d’encourager l’équipe et de désormais suivre assidument son évolution. J’ai d’ailleurs rarement vu autant de monde rester debout pendant un match même si je pense forcément à l’ancien White Hart Lane. Il y’avait des supporters debout sur trois tribunes. De quoi quasi en remplir une tribune entière si ils le voulaient. Seule ma tribune familiale derrière le but restait intégralement assise (sauf sur les actions devant le but) et c’était donc la « pire tribune » pour l’ambiance (extrait depuis ma tribune).
Évidemment, je dois rester prudent sur l’ambiance : C’était un événement unique dans l’Histoire d’un Club. Il faudra voir match après match si l’ambiance retombe ou non. En tout cas, des fans de Southampton (2ème match à domicile d’Huddersfield) sont revenus avec le même sentiment que le mien : La sensation de n’avoir jamais vécu ça en Premier League. Et pourtant, leur match n’a vu aucun but. Pour mon match, Huddersfield s’est facilement imposé 1-0 contre une équipe pitoyable de Newcastle. Le jeu des Terriers était séduisant et celui d’une équipe ambitieuse : Un jeu au sol en quelques touches de balles. A la fin, l’image était belle avec le coach David Wagner venant saluer les tribunes avec le même entrain qu’un Juergen Klopp : Montrer ironiquement les muscles, tendre l’oreille pour entendre les tribunes le remercier. Puis la célébration d’équipe devant la South Stand. Si ce début de saison se confirme, leur coach devrait recevoir de nombreuses sollicitations à l’avenir.