Ici, c’est le Stade de l’Aar. A ne surtout pas confondre avec le Stade de L’Art, ou le Stade du Lard. On s’y méprendrait. Ici, c’est bien du football qu’on pratique, même si le niveau amateur le rend approximatif. Le club local, à 3 km de Strasbourg, évolue tantôt en National 2, tantôt en National 3. Mais pour mettre fin à ce cirque sportif, les dirigeants ont revu les ambitions du club à la hausse : gravir un échelon supplémentaire et atteindre le National.
Le monde professionnel n’effraie pas les bénévoles. Chaque année, ils accueillent le RC Strasbourg dans une rencontre amicale professionnelle. A l’époque du dépôt de bilan du club phare de l’Alsace, c’est le Sporting Club de Schiltigheim qui affrontait le Racing. Et même une fois dans son antre en championnat. Le 31 mars 2012, les locaux, en vert, s’étaient inclinés 1-2, en CFA 2. Le Racing comptait dans ses rangs Benjamin Genghini, désormais capitaine sur les rives de l’Aar. Rôle qu’il conserve contre Dijon, en coupe de France.
Être étudiant c’est bien, assister à un match de football populaire pour 4€, c’est mieux. Prendre du plaisir en assistant à un beau spectacle sportif pour une bouchée de pain. Un régal, malgré les températures négatives et le vent glacial dans le nord est, début janvier. Et même la possibilité d’acquérir l’écharpe du club pour 5 petits euros. La folie des grandeurs.
La ville
Schiltigheim est une ville de près de 32 000 habitants situés en périphérie nord de Strasbourg, à moins de 5 km. Mes yeux calculent une distance de 3 km pour une marge d’erreur de 2 bornes. Et comme toute appellation alsacienne, leur trouver un gentilé n’est pas toujours aisé. Eux, ils s’appellent les « schilikois ». La ville est notamment traversée par l’Aar, qui longe le stade éponyme.
Cette ville, c’est aussi un parfait mélange entre le rural et l’urbain, la vie citadine et la culture alsacienne plus profonde. On a le vaste plaisir d’y entendre certains accents prononcés, des restaurants aux noms alsaciens comme les « winstub » et surtout des maisons à colombage. Elle a aussi son lot d’animation entre un « Messti » en mai-juin, la Fête de la bière, très réputée dans la région, et ses illuminations lors des périodes de Noël. Sa proximité de l’hyper-centre strasbourgeois et son accessibilité en transports en commun fait de Schiltigheim une des ville les plus logées par les touristes en décembre.
Mais surtout, j’y suis né. Mais je suis pas encore entré dans le patrimoine culturelle de la ville.
Le stade
Le Stade de l’Aar, parfois confondu ou appelé avec le Stade du Canal, car en fait il y a deux stades côte à côte, appartenant à la ville et pour le même club. Mais il y en a un plus moderne que l’autre. Il y a environ 2500 places dont 1180 assises. Une tribune principale qui fait quasiment toute la longueur du terrain, et une en face, entre debout et assis, avec des espèces d’escaliers qui peuvent servir de banc également, avec une butte pour prendre un peu de hauteur. Finalement, rien d’impressionnant, un stade somme toute amateur. Une petite différence néanmoins avec d’autres enceintes du même échelon : celle-ci contient un tunnel d’accès entre les vestiaires et le terrain. Critère de choix et important dans les cahiers des charges de la FFF.
Il n’a peut-être pas le charisme d’Anfield ni du Westfallen, mais il a tout de même du charme. Et il respire le football populaire, le football qui nous unie tous. Et puis faut pas déconner, il y a quand même eu l’illustre José Guerra et d’exceptionnelles épopées en Coupe de France, comme cette mémorable victoire 3-0 contre le TFC (L2), après avoir éliminé l’ESTAC (L1) et Beauvois (L2) en 2003. Il y a aussi eu des joueurs de renom comme Thierry Débès, Martin Djetou ou… Matt Pokora !
Gros bémol cependant : l’absence de buvettes ou, en tout cas, de points de restauration. Ça coute des points dans la note ça. Le sandwich merguez en coupe de France, ça va de paire.
Les alentours
Le Stade est situé à un endroit stratégique pour ses fans : à proximité immédiate d’un Francesca et d’un McDonald’s. Non, c’est pas l’inverse. Le tram est également à 2 pas et plusieurs parkings jonchent les travées du Stade de l’Aar. Niveau accessibilité, on est quand même pas mal du tout. En pénétrant un peu plus vers le coeur de la ville, on peut même trouver quelques kebabs, brasseries ou restaurants alsaciens. Pour ceux qui viennent de loin, vous avez le luxe de pouvoir choisir dans quel hôtel vous pouvez crécher. Et presque regarder le match depuis votre chambre. Globalement, disons que toutes les commodités qui doivent se trouver à proximité d’un stade sont présentes. Gros point fort.
L’atmosphère
L’ambiance est ce qu’elle est dans un club amateur qui n’est pas situé en quartier. C’est pas pour une ambiance digne du Stade de la Meinau (restons chauvins) qu’on s’y rend. Mais en Coupe de France, l’ambiance est toujours plus belle. D’une part, car le stade est à dominance verte, d’un public plus présent qu’à l’accoutumé pour les grands rendez-vous de Coupe de France, avec ce souvenir éternel de 2003 et l’espoir de pareils scénarios. D’autre part, car il est toujours amusant de constater l’effort des équipes de jeunes pour encourager les plus grands à l’unisson. Et quelques chants sont parfois drôles, comme ce chant des vestiaires entendu ce soir : « Aujourd’hui, aujourd’hui, on a joué… ».
Contre Dijon, c’était de l’autre côté de La Tribune principale qu’il fallait prendre place et observer la trentaine d’ultras dijonnais, arrivés en retard. Comme leurs rivaux auxerrois, les Lingon’s Boys n’ont pas manqué d’imagination. Et les chants étaient variés. « Du rhum et du whisky, du Ricard et du vin blanc, tous unis et tous bourrés, les Lingon’s sont en tournée« . Sympa, faut l’avouer. Mais il y en avait d’autres, toujours inspirés par l’alcool : « On a la buvette, On a le Captain, c’est la plus belle » on taira les références pour les mineurs qui passeront par ici. « Boire comme des pocherons, fumer des pillons, chanter pour Dijon, c’est ça qui est bon« . En tout cas, pour les rimes, c’est du sans-faute. « Souviens-toi mon petit souviens-toi, que tu n’es pas un putain d’Auxerrois« . On avait prévenu, ils sont rivaux. Julio Tavares, capitaine du DFCO, a également un chant à sa gloire : « Il est beau, il vient du Cap-Vert, c’est notre Julio Tavares« . Cette fois-ci, les rimes manquent… Mais le message est gentil.
Et puis, à 2-0, forcément, tout est permis, même les espoirs d’une finale… « Le Stade de France (x3)« . Il y a quand même quelques marches à franchir.
📢 Un peu en retard, mais les ultras dijonnais sont arrivés et se font entendre ! #CoupeDeFrance #SCSDFCO pic.twitter.com/m5k9Msakvh
— Guillaume Vague ⭐️⭐️ (@glm_vge) 5 janvier 2019
Le football
Au niveau de l’effectif, les noms ne sont pas criants. Le coach Stéphane Crucet fait cependant du bon travail et permet au Sporting d’accrocher le haut du classement de National 2 et même rêver d’une montée. Dans ses rangs, il peut s’appuyer sur son capitaine Benjamin Genghini, plein d’expériences et notamment du côté du stade de la Meinau, où il a également joué avec Thomas Martin. Jordan Gasser, habitué au National et tombeur du RC Strasbourg avec Chambly la saison passée (demi-finaliste), a rejoint les rives schilikoises cet été. Vincent Decker, lui aussi local, César Zéoula qui a pu goûter à la Ligue 2 à Laval, Nestor Kodjia qui a connu ce niveau là également… Une belle petite équipe construite avec de modestes moyens mais bien taillée pour son championnat, à la hauteur des ambitions du club. Globalement, si le football n’est pas toujours au rendez-vous, il l’a été dans un match animé et équilibré contre Dijon, même si le score final n’est pas favorable aux locaux, défaits 3-1. Une belle bataille livrée leurs armes, sans complexe ni crainte. Une soirée football réussie, bien que la fête aurait pu être plus belle avec la qualification au bout.
Quelques centres ont terminé dans le canal, quelques tirs ont débusqué des arbres, quelques passes simples ont été complètement loupées… Certes tout ça n’est pas vendeur, mais c’est aussi ce qui fait la beauté du foot amateur et surtout l’état d’esprit irréprochable, la volonté de tout donner et de mouiller le maillot. Surtout, rentrer dans les vestiaires la tête haute quelque soit le résultat. Et ça, c’est mission accomplie. Bravo les joueurs, bravo le Sporting, bravo les bénévoles.
L’expérience groundhopping
Très bonne expérience malgré la défaite. Bien qu’habitué du stade, c’est toujours un plaisir de s’y rendre.